Article publié le 7 mai 2021.
La gestion des fichiers individuels par la statistique publique : des précédents et des controverses (2/3)
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2) Le SNS : « Ni collaborationniste, ni résistant »
Les auteurs du rapport de 1998 affirment qu’en tout état de cause, sous la direction de René Carmille, les services du SNS « ont appliqué, sans grands états d’âme la législation antisémite vichyssoise et ont cherché à être partie prenante dans la mise en œuvre et l’exploitation de recensements visant les juifs ». [1] et de préciser que : « la volonté de disposer du maximum de renseignements pour actualiser les fichiers, d’utiliser l’équipement mécanographique et de montrer l’efficacité de l’identification l’emportent, en apparence, sur la conscience des risques que font courir ces informations à plusieurs catégories de population. » [2]
Le SNS se serait donc « accommodé », comme les autres administrations françaises, des contraintes de l’occupation et du régime autoritaire de Vichy, servant loyalement ce dernier. Tout en « se gardant de toutes dérives policières (…), le SNS a élaboré des instruments qui auraient pu être utilisés à des fins directement répressives » [3]
Le rapport de 1998 consacre d’ailleurs peu de pages à la résistance mais note : « Il est peu contestable que des agents se sont engagés en résistance à titre individuel. Mais en petit nombre. Précisons encore que, jusqu’à plus ample informé, dix agents ont été fusillés pour faits de résistance et que quatorze hommes et femmes ont été déportés (dont huit ne reviendront pas des camps de la mort). Il est rare qu’il se soit formé de groupe à l’intérieur d’une direction régionale, et les 22 agents qui s’étaient organisés à l’intérieur de la DR de Toulouse, commandés il est vrai par celui qui devint l’adjoint au chef départemental des FTP de Haute-Garonne constitue une exception souvent signalée comme telle. Les agents qui s’engagèrent à titre individuel le firent dans divers mouvements : Combat, Ceux de la Résistance, l’Organisation Civile et Militaire, Liberté-Vengeance. On notera une attirance plus particulière et significative pour l’Organisation de Résistance de l’Armée (ORA). Un seul agent du SNS exercera des fonctions importantes : entré en 1942, il devenait en 1943 chef régional de l’Armée secrète pour la Bourgogne et la Franche-Comté » [4]
Quant à René Carmille, il appartient à l’Armée. Dans le cadre des initiatives qui s’y prennent, il engage le Service de la Démographie puis le SNS pour « préparer – grâce aux techniques mécanographiques – à partir d’un fichier des démobilisés de la zone sud, une mobilisation clandestine partielle. » [5] 50 000 puis 200 000 hommes constituèrent ce fichier qui fut détruit à la suite de l’invasion de la zone Sud par les forces d’occupation allemande en 1942.
C’est en 1943 que René Carmille rejoint un réseau de la Résistance lyonnais. Arrêté dans ce cadre au début de l’année 1944, il est déporté à Dachau où il meurt d’épuisement et de maladie le 25 janvier 1945.
A suivre : Controverses - 1991 - 2021
Notes
[1] Jean Pierre Azéma, Raymond Lévy-Bruhl, Béatrice Touchelay :« Mission d’analyse sur le système statistique français » 1998, p 52
[2] A cet égard, l’insistance de René Carmille à astreindre tout un chacun à devoir déclarer le moindre changement de domicile, s’avère l’un des moyens les plus efficaces de la politique répressive du régime. op cit p 28
[3] Jean Pierre Azéma : Actes du colloque « Statistique sans conscience n’est que ruine… » organisé par la CGT et la CFDT de l’Insee, 4 novembre 1998.
[4] Jean Pierre Azéma, Raymond Lévy-Bruhl, Béatrice Touchelay : op cit p 44
[5] Op.cit