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Article publié le 18 juin 2024.

Pôles Insee Contact, sites et pôles Sirene... chronique d’un désastre annoncé

Le tract SUD CGT CFDT FO Insee

Mardi 18 juin est programmée la formation spécialisée du CSA chargée, entre autres, de statuer sur les projets de réforme que la direction souhaite imposer aux agents d’Insee Contact. Leur confirmation plus que probable risque de clore au moins momentanément un processus qui, du Guichet unique à la réorganisation des Pics en passant par Sirene 4, aura brillé par sa verticalité et son absence totale d’écoute. Une attitude hélas bien trop fréquente qui ne sera certainement pas sans conséquences...

Quand Guichet unique rime avec pensée unique

Avant la mise en place du Guichet unique, tout n’était certes pas rose dans la vie d’un créateur ou d’une créatrice d’entreprise. Néanmoins, les ex-centres de formalités des entreprises (chambres de commerce et d’industrie, tribunaux de commerce, Urssaf…) jouaient globalement leur rôle, et l’Insee, via les sites Sirene, parvenait à délivrer dans des délais raisonnables le fameux numéro éponyme dont a besoin toute entreprise.

Bien que les choses fonctionnaient plutôt correctement, le gouvernement s’est mis en tête d’intervenir afin de faire œuvre prétendument de « simplification ». Exit les CFE, place désormais au « Guichet unique » géré par l’Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi) ! Très rapidement, de nombreux signaux inquiétants émergent mais le ministre de l’Economie entend garder le cap quoi qu’il en coûte, conformément à la souplesse qui le caractérise : qu’importent les conséquences, pas question de repousser l’entrée en vigueur du projet ! Au 1er janvier 2023, le Guichet unique s’impose donc pour les créations d’entreprises, avant de voir son empire étendu à l’ensemble des formalités administratives liées à la vie des entreprises dès le 30 juin de la même année.

Fort d’« une échéance initiale irréaliste compte tenu de [son] ampleur » et d’ « une gouvernance et un pilotage inadaptés » ainsi que le relèvera la Cour des comptes dans un rapport de décembre 2023, le projet se révèle comme prévu un fiasco complet. Les premières victimes de cette obstination sont bien entendu les entrepreneurs, comme le note encore la Cour des comptes dans son rapport précité : « les entreprises concernées se sont retrouvées pénalisées dans la mesure où elles ont eu à faire face à l’impossibilité de débuter une activité, de souscrire un emprunt, de conclure des contrats, de signer un bail, d’embaucher des salariés, etc. avec les implications qui s’en suivent (insécurité juridique, fraudes, travail illégal, etc.). »

Mais les services de l’État, et notamment ceux de l’Insee, sont aussi très sévèrement impactés. En 2023, plus de 1 000 mails par jour afflueront ainsi en moyenne certaines semaines vers Insee contact, alors que ce chiffre n’avait jamais dépassé la barre des 400 en 2022. Les sites Sirene ne sont pas non plus en reste, avec ainsi plus de 7 000 mails en souffrance à la mi-avril 2024. Dans bien des cas, ces demandes qui engendrent stress et découragement chez les agents ne concernent pourtant en réalité ni Insee contact, ni les sites Sirene, mais l’Inpi, dont les équipes ne sont malheureusement ni suffisamment formées ni suffisamment nombreuses pour les traiter correctement. Résultat, les usagers se retrouvent ballottés d’un service à l’autre sans quasi aucun espoir de voir leur problème se résoudre dans des délais raisonnables.

Des travailleurs précarisés en réponse à des difficultés durables

Face à cette situation quasi intenable, l’Insee aurait pu tâcher de simplement sauver les pots cassés en attendant des jours meilleurs. Ce qui aurait avant tout supposé d’embaucher des effectifs supplémentaires sur des statuts pérennes, de sorte à pouvoir être à même de répondre à l’afflux de sollicitations. Mais pour en venir à une telle conclusion, encore aurait-il fallu que notre Institut reconnaisse que les difficultés subies ne sont pas simplement passagères. Ce qu’il s’est toujours refusé à admettre jusqu’à présent, contrairement non seulement aux agents et à leurs représentants, mais aussi à la Cour des comptes, pour qui « les évolutions du guichet unique et du registre national des entreprises sont entourées d’importantes incertitudes à l’horizon des prochains mois, voire des prochaines années. » A défaut de suivre les avis des sages de la rue Cambon, la direction de l’Insee s’engage vers une politique de recrutement au compte-goutte de CDD pour « pics de charge ». Des CDD qu’elle renouvelle ensuite ad nauséam, jusqu’à ce que le droit l’oblige à réembaucher d’autres supplétifs, les « pics de charge » succédant invariablement aux « pics de charge ». Une politique qui n’est pas sans conséquences, aussi bien pour les premiers et premières concerné-e-s, condamné-e-s à la précarité, que pour leurs collègues, qui doivent les former, ainsi que pour les ressources humaines et leurs encadrants, que les nombreuses procédures d’embauche tendent à fortement mobiliser.

Sirene 4 : une innovation parée de toutes les vertus qui prend l’eau

Comme si cela ne suffisait pas, la direction de l’Insee ne trouve rien de mieux à faire que d‘obliger à l’atterrissage de réformes d’ampleur, avec la même verticalité que celle qui avait inspiré le gouvernement dans le cadre des travaux préparatoires au Guichet unique. Côté Sirene, il s’agit ainsi de faire aboutir coûte que coûte l’application « Sirene 4 », conçue officiellement pour des raisons de modernisation et de simplification, et officieusement pour faire des économies de personnel via une automatisation accrue des traitements. Célébré en grande pompe par la lettre Déchiffrer – le mag n°64 d’avril 2024 comme un outil qui « améliore l’environnement de travail des gestionnaires », « gagne en efficience » et permet au public une consultation du répertoire « améliorée et plus conviviale », Sirene 4 se révèle en réalité riche en dysfonctionnements de toutes sortes, et de détérioration des fonctionnalités, comme l’écrit un agent d’un site Sirene au moment de la mise en place du processus : « le moral de l’équipe est au plus bas, les stocks de formalités en attente et de mails n’ont jamais été aussi importants malgré un investissement identique de l’équipe […]. Il y a encore beaucoup de choses en développement. Il y a des traitements qui nécessitent beaucoup plus de temps. Pour le public, c’est encore pire, les bugs sur les avis de situation… ».

Pics : la direction touche le fond mais creuse encore

Celui ou celle qui s’étonnerait d’un tel sens du timing n’a probablement jamais entendu parler de la situation à Insee contact. Car alors que le service croule sous les demandes, c’est le moment que la direction choisit pour annoncer sa décision diminuer de moitié les horaires des permanences téléphoniques en les concentrant sur la plage du matin. Prise sans concertation aucune, cette décision risque fort d’empêcher un certain nombre de travailleurs, mais aussi d’usagères et usagers des Antilles ou de Guyane du fait du décalage horaire, de joindre l’Insee par téléphone. D’après la direction, elle s’imposerait néanmoins au nom du nécessaire relèvement de l’indicateur dit du « taux de décrochés », que le programme Service public + impose d’améliorer. Et qu’importe si le temps de traitement des mails s’en ressent : cet indicateur ne compte pas au nombre de ceux dont tient compte le programme précité ! Comme pour ajouter du mécontentement au mécontentement, la direction croit bon d’annoncer concomitamment son intention de supprimer les minces compensations horaires dont bénéficient les agents des Pics depuis la création de ces pôles en 2003. Loin de tomber du ciel, ces « compensations » – d’une durée d’1h30 sur un cycle hebdomadaire de 37h30 – avaient pourtant vocation à faire office de maigre contrepartie aux nombreuses contraintes assorties à ces métiers – des astreintes téléphoniques en partie hors des plages fixes aux usagers mécontents, en passant par le bruit et le stress… Autant de problématiques qui n’ont absolument pas disparu en 2024, bien au contraire.
Toutes ces réalités ont beau avoir été rabâchées en long, en large et en travers par les agents comme par l’intersyndicale, la direction s’obstine à les nier. Lors du groupe de travail du 12 mars censé plancher sur les réformes en cours au Pic, la Secrétaire générale ose même proclamer, bravache, que les agents qui l’auraient mauvaise n’ont qu’à quitter le service. Ça ne vous rappelle rien ?

Une invitation à faire ses valises qui fait mouche…

Lors de leurs nombreuses interpellations, les agents et les membres de l’intersyndicale n’auront eu de cesse que d’avertir la direction qu’à force de s’en prendre aux Pics, celle-ci risquait fort d’en faire un service repoussoir. Le déroulé de la dernière campagne de mobilités des agents B et C ne font hélas que confirmer ces craintes. Ainsi, à Rouen et à Strasbourg, 16 des 21 conseillers d’orientation et d’information (COI) sous statut de fonctionnaire auront cette année déposé une fiche d’intention de mobilité. Et bien évidemment, aucun agent en poste n’a été assez fou pour postuler en retour dans l’une ou l’autre de ces deux unités.

...avec son lot de conséquences dramatiques à prévoir

Or comme on pouvait s’y attendre, le bon de sortie offert à la cantonade par la Secrétaire générale n’en a pas été vraiment un puisque tous les agents des Pics cherchant à quitter le navire n’auront pas vu leurs vœux de mobilité acceptés. Ainsi, seuls 2 agents à Strasbourg et 4 à Rouen pourront bel et bien migrer vers d’autres horizons. Soit 6 des 13 agents ayant formulé fermement le souhait de quitter le Pic. Pour ceux contraints de demeurer dans le service contre leur volonté, ce refus risque d’être d’autant plus dramatique qu’ils et elles ont fort à craindre de voir leurs conditions de travail encore se dégrader si la direction va au bout de ses mauvaises résolutions. Mais la situation risque aussi d’être dramatique pour les services eux-mêmes, puisque l’impossibilité de fait devant laquelle se trouve l’Insee de remplacer les partants par des agents titulaires ouvre la voie à une précarisation accrue des Pics. Si les perspectives restent en l’état, on peut en effet s’attendre à ce que de plus en plus Insee contact – de même d’ailleurs que les sites Sirene – ne se confondent avec les centres d’appels du privé, avec leur volant de contrats courts anonymisés que l’on remplace en parant au plus pressé. Un prélude à une externalisation pure et simple de ces services ?

Une telle politique pourrait sembler anecdotique si elle ne s’inscrivait pas dans un contexte plus général de dégradation du service public, de focalisation constante sur les coûts, de fortes régressions sociales et de déni de la démocratie sociale. Difficile ne pas faire le lien avec ce qui se passe à l’heure où les extrêmes-droites de tout poil frappent à nos portes…

Si la direction de l’Insee ne souhaite pas davantage alimenter cette logique mortifère, il est urgent qu’elle change de cap ! C’est pourquoi nos organisations syndicales lui demandent une fois encore :
• de créer des emplois pérennes à la hauteur d’une charge de travail en augmentation, ce aussi bien à Sirene qu’au sein d’Insee Contact ;
• de maintenir les plages de permanences téléphoniques actuelles aux Pics (9h-17h) pour un service public plus proche des usagers, plus simple et plus efficace, conformément au programme « Service Public + » ;
• de maintenir l’accord historique sur le temps de travail pour tous les agents d’Insee Contact assujettis aux plages téléphoniques ;
• de mettre en place des groupes de travail entre agents des Pics, de Sirene et de l’Inpi afin d’améliorer la communication entre ces services et de mieux résorber les problèmes qui peuvent l’être.
• de contribuer au maximum à ce que l’Inpi se mette à la hauteur des enjeux du guichet unique et une communication transparente sur ces actions.

Le 17 juin 2024

Et pour une description des mécanismes insupportables mis en place, pour un simple changement d’adresse, par le gouvernement lire la BD sur ce lien https://grisebouille.net/franceconnect-ou-gafamconnect/ .
Elle décrit parfaitement l’absurdité des démarches en ligne, et surtout l’obligation qui ne devrait pas être d’une part d’avoir un téléphone portable, et de charger une application disponible uniquement via les "stores" de deux méga-entreprises du marché.

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