Article publié le 5 février 2025.
« Intelligence artificielle » : une large réflexion est nécessaire à l’Insee !
Les progrès exceptionnels dans à peu près tous les domaines de connaissances, font de l’IA une réalité parfois quotidienne dans la sphère privée et professionnelle. Utilité, Efficacité ? Qualité ? Finalité ? Comme toute nouveauté, nous questionnons les conséquences sur l’organisation du travail qui en découle.
Les gains de temps potentiels permis par l’IA sont importants...
L’utilisation de l’IA bouleverse le monde du travail : le FMI annonce que 60 % des emplois sont menacés dans les pays « avancés », même si ce dernier s’alarme surtout sur les conséquences en termes de répartition des richesses. Un chercheur du MIT estime quant à lui que seuls 5 % des métiers seront touchés par l’IA d’ici 10 ans. D’autres études pointent des effets potentiellement plus forts sur les emplois des femmes que ceux des hommes.
Une commission nationale française sur le sujet a remis en mars 2024 un rapport mentionnant un impact globalement positif sur le marché de l’emploi, mentionnant deux études de l’Insee.
Beaucoup d’emplois seront touchés partiellement, impactant l’ensemble des tâches réalisées dans un poste.
Pour nous, tous les gains de temps effectués sur une partie des emplois doivent permettre la réduction du temps de travail pour toutes et tous, que son emploi soit ou non concerné. Ils doivent aussi déboucher sur une amélioration des conditions de travail et du service rendu.
… mais déjà, des limites et travers apparaissent
Il existe aujourd’hui un effet plateau : beaucoup de données ont été « ingurgitées » par les IA, certaines des nouvelles versions déçoivent les investisseurs. La théorie des rendements décroissants s’applique ici comme sur d’autres process.
Les IA sont énergivores les grands groupes engagent des investissements faramineux dans la production d’électricité : cela polluera grandement. Ces énormes coûts environnementaux ne semblent pas ou peu questionnés alors que tout le monde en supporte les effets...
Comme les IA produisent des erreurs, les contrôler nécessite une main d’œuvre souvent nombreuse et hélas mal payée.
Elles reproduisent également les travers humains en utilisant des données humaines. L’IA étant largement créée par et nourri avec des données des « hommes blancs occidentaux », son utilisation s’avère régulièrement discriminatoire.
Enfin, à force d’utiliser les données déjà passées par le filtre de l’IA, l’apprentissage devient « circulaire » et une perte de qualité a déjà pu se constater, sur l’écriture de code informatique par exemple.
Ses évolutions étant rapides et ses potentialités importantes, une poignée d’humains ne doit pas monopoliser sa possession, ses orientations et ses finalités : nous la souhaitons porteuse de progrès techniques et sociaux pour toutes et tous. Cela pose donc la question de la maîtrise des outils.
Comme tous les outils, il ne doit pas nous gouverner !
La plupart des IA appartiennent à des grands groupes comme les GAFAM, qui possèdent déjà les logicielsde déploiement. En tant qu’institut de statistique publique, l’Insee est convoité pour la masse et l’importance des données qu’il traite.
Mais du fait de ses missions de service public et de son indépendance, l’Insee doit garantir que ces données ne nourrissent pas les méga-entreprises pour le bénéfice de multi-milliardaires et/ou d’Etats profiteurs. Ces derniers n’ont pas pour objectif de rendre un service public utile à toutes et tous, alors que nous si !
Se pose la question d’outils d’IA et de serveurs publics, développés par le service public.
A l’Insee, les emplois « de bureaux » et ceux des enquêtrices et enquêteurs sont potentiellement concernés. Cela veut dire des tâches nouvelles, modifiées, bouleversées et rapidement obsolètes...et nécessite une réflexion !
L’Insee est certes partie prenante de réflexions à Eurostat, au sein de Bercy où son utilisation pour le passage de SAS à R, ou pour le codage des professions ou des codes APE participe des mises en commun.
Mais aucune réflexion collective n’a encore eu lieu à l’Insee. Seulement quelques consignes ici ou là, ou à la DSI qui s’est emparée du sujet et examine aussi certaines demandes métiers.
Pourtant une grande partie d’entre nous utilise déjà des services d’IA : faire un résumé, une traduction, des graphiques, programmer, toutes tâches de rédaction pour nos travaux...combien de chiffres non publics sont déjà partis dans des serveurs externes pour permettre des gains de temps en interne ?
Sans compter la gestion administrative où ChatGPT a sans doute tourné à plus d’une reprise…
Une mission de l’IG vient d’être diligentée pour faire un bilan des utilisations à l’Insee.
Nous demandons que les réflexions ne soient pas restreintes à ce petit cercle, et aussi :
Concernant les travaux de l’Insee :
• Aucune suppression de postes ni d’intensification des charges de travail ;
• Une information et des formations régulières sur les enjeux et l’utilisation de l’IA pour tous les agents, dans le cadre d’un plan de formation ;
• Des outils garantissant la protection des données traitées ;
• Des outils maîtrisés par l’Insee, avec un socle de service public pour des traitements de données, indépendants de forces économiques ou politiques ;
• La présentation en CSA des arbitrages de la direction sur l’utilisation de l’IA à l’Insee.
Concernant la gestion administrative des agents
• Aucun entraînement d’algorithmes à partir des pratiques actuelles de la direction des ressources humaines à l’Insee ;
Glossaire
Intelligence Artificielle : l’expression est une traduction de l’expression artificial « intelligence » dont la traduction devrait être plus partagée avec la notion d’information. Ce mot « intelligence » a permis une orientation très marketing sur un mot suscitant beaucoup de fantasmes.
Ci-dessous quelques exemples de ce qu’est l’IA, sachant que dans notre texte nous nous sommes intéressés seulement à certains aspects de l’IA (IA générative, machine learning...).
Deep Learning : Ensemble de méthodes d’apprentissage automatique utilisant des réseaux de neurones : c’est ce qui est utilisé pour le codage des professions du recensement.
Machine Learning : Branche de l’intelligence artificielle qui fournit à une machine la capacité à apprendre à partir de données, sans qu’un programme lui donne des tâches bien précises.
IA générative (ou GenAI) : utilise l’IA pour créer de nouveaux contenus, comme du texte, des images, de la musique, de l’audio et des vidéos.