Article publié le 25 mars 2024.
Accès du ministère de l’intérieur au RNIPP, ne laissons pas passer un fichage des personnes d’origine étrangère ou transgenres
Le tract de la CGT et SUD Insee
Le 19 décembre 2023, un arrêté a été publié : le ministère de l’Intérieur s’octroie la possibilité de créer un fichier centralisant des données très sensibles, à partir du Répertoire national d’identification des personnes physique (RNIPP) géré par l’Insee. Pour rappel, c’est par ce répertoire que l’Insee attribue aux personnes nées en France l’identifiant unique et pérenne qu’est le Numéro d’inscription au répertoire (NIR) et qu’il enregistre plusieurs événements relatifs à l’état civil.
Concrètement, l’arrêté autorise des services du ministère de l’Intérieur (police nationale, gendarmerie, préfectures, etc.) à consulter dans le RNIPP les modifications d’état civil « relatives à l’identité des personnes ayant changé de nom ou de prénom » pour les traiter et les regrouper de manière automatisée dans une « table de correspondance des noms et prénoms ».
En clair, le ministère de l’Intérieur a accès au RNIPP pour constituer puis communiquer à qui de droit un fichier qui contient les informations identifiantes des personnes ayant changé de prénom ou de nom : la date et le lieu de naissance, les prénom et nom de naissance ainsi que le sexe. Dans cette pratique, le ministère de l’Intérieur ne se gêne pas pour afficher que le droit d’opposition garanti par l’article 21 du RGPD ne s’applique pas (article 5).
Cet arrêté n’a pas pour objectif de recenser les modifications du nom d’usage suite à un mariage, cas le plus courant des changements de patronyme. En permettant des comparaisons entre les noms et prénoms actuels et passés, il vise implicitement deux catégories de population :
• les personnes ayant « francisé » leur nom ;
• les personnes transgenres1 ayant changé de prénom.
Si le prénom et le nom ne sont pas des variables sensibles en tant que telles, le fait de centraliser leurs modifications permet de recueillir des informations hautement sensibles sur l’origine d’une personne ou sa transidentité.
L’utilisation du RNIPP en question
L’objectif premier du RNIPP est de vérifier la conformité des identités ou le statut vital des personnes. Il est ainsi utile quand il s’agit du droit des personnes (sécurité sociale, retraite…). Depuis le décret-cadre de 2019, les accès au RNIPP et les utilisations du NIR se multiplient et couvrent officiellement huit secteurs d’activité (protection sociale, logement, travail, justice, financier, fiscal et douanier, statistique publique et recensement, éducation).
L’accès au RNIPP était déjà discrètement prévu pour le ministère de l’Intérieur, en toute fin du décret-cadre (4° du J de son article 2) et dans un secteur « autre ». L’arrêté du 23 décembre 2023 confirme cet accès et transforme la « consultation » des informations sur les changements de nom ou de prénom en un « traitement automatisé » : du fichage donc. Dans la mesure où la finalité de ce traitement n’est pas inscrite dans les textes, il y a tout à craindre d’un usage répressif.
Nous lisons dans cette multiplicité des accès une banalisation de l’utilisation du RNIPP.
Nous devons empêcher que l’Insee, gestionnaire de ce répertoire, ne se rende complice de la création d’un outil de contrôle accru de la population, voire d’un outil de fichage et de discrimination potentiel.
Nous demandons :
→ que l’Insee refuse l’utilisation du RNIPP à des fins de constitution de fichier de police (il n’est pas conçu pour cela) ;
→ plus largement, le retrait de cette mesure de fichage de certaines personnes, trans et d’origine étrangère ;
→ un débat public sur les accès au RNIPP et ses utilisations.