Logo du site

Article publié le 20 mai 2015.

Réforme de l’État en région La direction de l’Insee doit défendre la pérennité des établissements actuels !

Le gouvernement a désigné les préfets « préfigurateurs » des nouvelles régions administratives. Il a confirmé que la réforme de la carte administrative des régions est l’occasion d’une restructuration d’ampleur des services de l’État en région.
L’Insee est désormais clairement cité parmi les administrations concernées.
Or les préconisations du gouvernement sont claires :

  • il ne doit perdurer qu’une seule direction régionale (de services de l’État) par nouvelle région, et ce en mono ou multi-site ;
  • les administrations doivent se répartir entre les futurs ex-chef lieu, donc ces directions régionales ne seront pas toutes situées dans le futur chef-lieu de région.
    Des négociations locales doivent aboutir à des propositions pour le 30 juin.
    Un temps très court est donc laissé par le gouvernement pour aboutir à des décisions très structurantes, à la fois pour les établissements et agents concernés, mais in fine pour l’avenir de l’Insee qui dépend très fortement de la collecte des informations sur le territoire, et de son réseau d’agents dont les qualifications et l’expérience contribuent à sa qualité.

Un dispositif gouvernemental ultra rapide, risqué et contournant la démocratie sociale

En lançant un dispositif aussi rapide dans le temps, le gouvernement se veut « transparent » en permettant aux personnels de ne pas rester trop longtemps dans l’incertitude.
Cette stratégie est pourtant néfaste, et semble surtout viser à empêcher toute réaction de la part des élu-e-s régionaux, des personnels et de leurs organisations syndicales. En effet, alors que le projet prêche évidemment des « consultations » à tout va, la précipitation dans laquelle elles sont menées est en soi une négation de la concertation. Les annonces sur le calendrier sont faites sans possibilité de le desserrer, les réunions n’ont pas de documents préparatoires, tout cela pour permettre au premier ministre de prendre les décisions...au cœur de l’été !!!

Nous ne sommes pas dupes de cette méthode, mais nous essayons d’en dénoncer les problèmes de fond.

Une méthode « à l’envers » : des restructurations sans but sur le service rendu

Les organisations syndicales ne sont pas les seules à dénoncer les restructurations dans le secteur public qui n’ont que pour unique but des économies de moyens, au risque de supprimer des missions. Le rapport des inspections générales d’avril 2015 (voir lien) mentionne lui-même ce problème dès sa première page de synthèse : « de nombreux interlocuteurs regrettent l’absence d’objectifs préalablement définis » !!

Nous prônons au contraire l’examen et la prise en compte des besoins en service public pour construire un projet de service public. Si des réorganisations et le réexamen de nos missions peuvent être nécessaires, ils ne peuvent avoir pour objet que de satisfaire ces besoins.

Mais depuis des années l’examen des services publics se fait sous un seul angle comptable : il s’ensuit une dégradation certaine du service rendu à la société toute entière.
De plus, le gouvernement compte profiter de cette réforme pour modifier en profondeur la Fonction publique, en donnant plus de pouvoirs aux chefs de service en région : annonce de mesures de « déconcentration budgétaire » et accroissement des marges de manœuvres locales en matière de gestion des personnels, c’est-à-dire… plus d’inégalités de traitement d’une région à l’autre.

Des annonces inquiétantes sur les mobilités

Les seules annonces gouvernementales ayant un réel contenu d’engagement à l’heure actuelle, sont celles sur l’ « accompagnement » des restructurations.

  • « chaque agent susceptible de devoir effectuer une mobilité fonctionnelle ou géographique » se verra désigner un « référent chargé de suivre sa situation personnelle ».
  • « un droit à mutation prioritaire pour les agents dont le poste est supprimé ».

Mais il ne précise pas par quel miracle il y aurait suffisamment de postes attractifs disponibles dans les villes qui perdront leur caractère de capitale régionale. Il ne précise pas non plus ce qu’il adviendra si, malgré le droit à mutation prioritaire, un agent ne trouve aucun poste disponible correspondant à ses attentes.

Nous avons vu comment le ministère avait traité en son temps la fusion du Sessi avec l’Insee : pour la direction à l’époque, son objectif de réussite était que 80% des agents trouvent un poste ! On voit donc à quel point l’accompagnement individuel ne peut rien garantir sans garantie sur l’existence des postes !!
A l’heure actuelle il est évident que chaque administration aura à « recaser » des agents : aucune administration ne peut constituer un point de chute, chacune en recherchant pour ses propres agents !

Le gouvernement promet aussi le développement du télétravail pour « les agents devant effectuer une mobilité », des plans de formation pour celles et ceux « dont les missions seraient appelées à évoluer » et des « aides financières à la mobilité sous la forme d’indemnités ou de prestations d’action sociale ».

Le rapport des inspections générales d’avril souligne lui que les moyens d’accompagnement doivent être disponibles : ils ne sont évidemment pas garantis dans une période où les coupes budgétaires se succèdent à rythme grand V !

Nous ne pouvons donc nous satisfaire de ces « engagements », qui ne sont pas financés à l’heure actuelle. Pour nous la seule solution est de construire une réforme réellement nécessaire, préparée, garantissant un socle de missions et le respect du travail des agents donc de leur situation géographique et de leur travail.

Et l’Insee dans tout ça ?

La préfiguration réalisée entre les régions Bourgogne et Franche Comté (lien sur les conclusions) laisse entrevoir les préconisations et les quelques marges de manœuvre qu’aurait l’Insee dans cette réorganisation.
La préconisation sur le choix des sites n’est pas rigide : les préfets constatent bien que les nouvelles régions n’ont pas toutes une étendue et une dimension égales. En conséquence ils préconisent une négociation au cas par cas pour un scénario entre « mono-site » et « multi-site fonctionnel » (c’est-à-dire avec des établissements ayant une spécialisation de travaux).
Toutefois les directeurs et directrices régionaux concerné-e-s n’auront pas les coudées franches pour la négociation locale qui dépendra à la fois du contexte local…mais aussi de l’organisation de l’Insee ! En effet, l’Insee est une administration qui a déjà une organisation « fonctionnelle » comme le dit le rapport. Certains travaux nationaux sont mutualisés et répartis sur le territoire, ce qui implique une coordination nationale.
Le directeur général de l’Insee a fait savoir aux directrices et directeurs régionaux qu’il était favorable à un scénario « mono-site ». Autrement dit, avec suppression à terme des établissements qui ne seraient pas situés dans la ville où siégerait la direction régionale.
Nous avons déjà dit notre opposition au choix du directeur général et notre mécontentement de son peu d’engagement pour sauver les missions et implantations régionales actuelles de l’Insee dans cette affaire (lien CTR) .
Pour nous il est encore temps de faire valoir dans toutes les négociations locales, le scénario multi-site, permettant le maintien des établissements actuels

Un déni des besoins en information…

Nous ne pouvons que noter que le diagnostic dans les territoires effectué à l’occasion de la revue des missions a montré un fort besoin des acteurs locaux en terme de connaissance des territoires (statistiques, études). De plus, la récente revue des pairs européens note également la nécessité d’une implantation territoriale qui ne soit pas trop éloignée des utilisateurs !!
Pourtant, le DG continue à affirmer qu’il ne voit aucune raison « métier » à maintenir l’ensemble des sites actuels et défend une vision de l’organisation de l’Insee qui est nuisible à l’ensemble de l’institut.
En effet, la qualité de la collecte des données (RP, enquêtes…) nécessite bien une implantation dans un maillage qui ne soit pas trop « lâche ». Il en va de même pour l’action régionale, dont la pertinence et le besoin se font sentir quand le lien avec les DR existent via des contacts (réunions, échanges…). Si l’Insee disparaît ou n’effectue plus des missions d’action régionale, les « publics » locaux se tourneront vers d’autres acteurs de proximité pour répondre à leurs besoins d’analyse.
Nous estimons devoir veiller à l’homogénéité de la production de statistiques et études sur tout le territoire. La direction en ne défendant pas les implantations actuelles, met potentiellement le service public de statistique national en danger.

…un déni de l’investissement et de la qualification des agents

Le directeur général, en souhaitant ne conserver qu’un seul établissement par région, provoquera une désorganisation totale des services : comment organiser le recensement à distance ? et les enquêtes ? Rappelons que si la réforme doit être démarrée formellement au 1er janvier 2016, son aboutissement (donc éventuellement la fermeture de sites) est demandée par le gouvernement dans un temps très court : « dans une période de trois ans » selon le premier ministre.

Si le gouvernement et les préfigurations préfectorales jouent cyniquement d’un nombre de départs en retraite important d’ici ces dates, nous ne pouvons accepter un tel scénario.
En effet, il signifierait que tous les travaux permettent des gains de productivité, ce qui n’est pas le cas. Et aussi que tous les travaux pourraient dans un temps réduit être effectués par d’autres agents.

Si nous croyons aux vertus de la formation, nous estimons qu’il est impossible sans s’affronter à de lourds dégâts, de demander à un nombre considérable d’agents de l’administration de changer de travail dans un temps aussi court. L’investissement, l’attachement aux travaux réalisés est pour beaucoup dans la qualité de leur réalisation, d’autant que les agents ont dû assumer avec une charge accrue les baisses d’effectifs.
Par ailleurs nous refusons l’autre solution qui serait d’exiger une mobilité géographique. Le fait d’être fonctionnaire, et il est vrai de réaliser les missions là où il y en a besoin, ne saurait signifier obéir à la même logique quand elle ne se justifie pas !

…et des conséquences inévitables pour les régions non concernées par un regroupement

Le gouvernement annonce également le « regroupement interministériel des fonctions supports ». Les préfets de Bourgogne et de Franche-Comté avaient pour leur part plaidé pour la « mutualisation » de tout ce qui n’est pas « cœur de métier ». Il est clair que les mutualisations qui se réaliseraient dans le cours de cette réforme, ne pourraient épargner les régions non concernées par le regroupement.
In fine c’est bien l’Insee tout entier qui serait durablement impacté par cette réforme si elle devait se mener comme le souhaite le gouvernement.

Nous estimons que la direction de l’Insee, y compris les directrices et directeurs régionaux, doivent faire valoir les missions de leur administration, le respect des agents qui y travaillent.

Mais nous devons également compter sur nous-mêmes. Nous ne sommes pas seuls, nous sommes dans la même situation que des dizaines de milliers de fonctionnaires de l’État et des Régions qui refusent la mobilité forcée ou l’obligation de changer de métier pour éviter la mobilité géographique. Ensemble, pour pouvons agir pour sauvegarder nos emplois actuels, nos services et nos missions.

Nous demandons donc dans le cadre de la réforme territoriale, à la fois au directeur général et aux directrices et directeurs régionaux :

  • Le maintien des sites régionaux de l’Insee actuellement existants ;
  • Ces sites doivent permettre un maintien d’activités diversifiées : production, études, administratif et support, et l’arrivée de travaux nouveaux ;
  • En conséquence nous refusons toute mobilité contrainte ou forcée : tout agent dont le poste serait supprimé doit pouvoir trouver un autre poste qui lui convienne dans son administration et sur le lieu de son exercice actuel.

La mobilisation est notre seule chance de montrer au gouvernement qu’il ne doit pas réformer par la terre brûlée. Une pétition intersyndicale est en cours, signez-la et faites la signer !

A Paris le 20 mai 2015

Annexe : calendrier de la réforme territoriale

Calendrier général

  • Mars-juin 2015 : lancement (nomination des préfigurateurs, diagnostics territoriaux, mise en place du cadre de référence et de l’offre de service interministériels...).
  • Second semestre 2015 : préparation de la création des nouvelles directions (mesures juridiques, organigramme provisoire, budget unique, dialogues de gestion...) et parallèlement conception d’un avant-projet d’organisation-cible à cinq ans.
  • Premier semestre 2016 : finalisation et validation de l’organisation-cible à cinq ans (concertations et consultations, ajustement du projet, formalisation du nouveau cadre de management et d’animation, mise en place des cellules mobilité-reclassement, précision des phases transitoires...).

Calendrier consultations dialogue social fonction publique 2015 - fourni par la Direction générale de l’administration de la Fonction publique (DGAFP)

1. Premier temps : concertation « à dominante interministérielle » nationale et locale
 Semaine du 4 au 10 mai : Première réunion du groupe de travail du Conseil Supérieur de la Fonction Publique de l’Etat (CSFPE) le 6 mai.
 Semaine du 11 au 17 mai : Réunions des instances de « concertation informelle » par les préfets préfigurateurs, sur la base la lettre de la ministre de la Fonction Publique du 28 avril.
 Semaine du 18 au 24 mai
2. Deuxième temps : concertation à « dominante ministérielle », locale et nationale
 Semaine du 25 au 31 mai/ Semaine du 1er au 7 juin : Réunions des comités techniques (CT) ministériels pour présentation des démarches engagées : pour information et concertation des organisations syndicales, donc pas de votes a priori
 Semaine du 8 au 14 juin/Semaine du 15 au 21 juin : Information et concertation des OS par la réunion des comités techniques des Directions régionales , éventuellement en convoquant conjointement, pour une réunion informelle, les CT des DR des régions appelées à fusionner (par champ ministériel), pour présentation des processus d’organisation conduits par les préfets et pour présentation des premières évaluations de leurs impacts RH
3. Troisième temps : concertation à nouveau conduite par les préfets préfigurateurs, avant finalisation de leurs projets de macro-organigrammes
 Semaine du 22 au 28 juin : réunion des instances informelles de concertation par les préfets préfigurateurs pour tenir informées les OS de l’avancement des travaux, rendre compte des réunions des CT locaux (et ministériels de la fin du mois de mai) et prendre en compte leurs observations avant le bouclage des projets pour la fin du mois de juin.
4. Quatrième temps : concertations nationales ministérielles et interministérielle pour information et recueil des observations des OS sur les projets locaux agrégés
 Semaine du 29 juin au 5 juillet /Semaine du 6 au 12 juillet :
 Présentation en CT ministériels des projets de macro-organigrammes consolidés ministère par ministère et a priori en CHSCT pour les premières évaluations des impacts RH
 Présentation d’une synthèse des projets de macro-organigrammes des ministères en groupe de travail du CSF

Annexe : glossaire / instances

Instance interministérielle de dialogue sur la réforme territoriale de l’État

Coordonnateur national de la réforme : Jean-Luc Nevache, nommé par décret du 29 janvier 2015.
Mission interministérielle de coordination (Micore) : cette mission assiste le coordonateur national
CGET commissariat à l’égalité des territoires : peut être sollicité pour la réalisation d’études prospectives sur les zones urbaines concernées par les réorganisations

Préfets préfigurateurs (7, pour les régions nouvellement définies) : Alsace Aquitaine, Bourgogne, Midi-Pyrénées, Haute-Normandie, Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes.
Ils devront, grâce au dialogue avec les élus et la concertation avec les organisations syndicales, proposer une organisation fonctionnelle et une implantation géographiques pour chaque direction régionale. Les préfets préfigurateurs rendront compte de leurs projets d’organisation, qui s’appuieront sur les grands principes nationaux, au Gouvernement avant juin 2015. Ils arrêteront, notamment, d’ici là le choix du siège des futurs chefs-lieux provisoires des sept régions fusionnées.

Des directeurs préfigurateurs seront nommés à l’été

Comité de l’administration régionale (existe depuis 2004) : est composé des préfets de département, des chefs des services régionaux de l’État, du secrétaire général pour les affaires régionales, du secrétaire général placé auprès du préfet du département où est le chef-lieu de la région et du trésorier-payeur général de région

Diagnostics territoriaux

Plateformes régionales d’appui interministériel à la gestion des ressources humaines :
Créées en 2009, elles mènent des actions d’accompagnement des services et des agents au plan territorial et interministériel.

Au ministère
Les DRFiP sont membres des CAR (comité s de l’admsinitration régionale)
Les administrations présentes dans les Dirreccte seront associées (DGE DGCCR DGTrésor)

Retour en haut