Article publié le 7 mars 2019.
Fin des années 70 : ambiance sexiste dans les services informatiques de l’Insee
En document joint à cette page, voici un tract CGT-CFDT relatant la colère d’une agente de services informatiques devant l’ambiance sexiste du service informatique...
Directement convoquée par le secrétaire général de l’Insee, elle fut tout de même un peu sanctionnée !
Nous avons retrouvé le tract...et l’agente qui nous commente ces années.
Voici le contexte de ce tract intersyndical décrit par l’agente :
Dans les années 70, juste après mai 68, le mouvement féministe est en pleine ébullition.
En formation à Paris en 1971, j’ai fréquenté les groupes de discussion et de retour dans la capitale en 1974, j’ai repris les contacts.
Diverses manifestations étaient organisées et j’y participais avec fougue.
Or tandis que je dénonçais dans ces manifs et aussi dans des rencontres privées et dans les discussions avec mes collègues à Boulitte (séances café et repas de cantine) le fait de subir les moqueries, le harcèlement, et le droit au viol, je devais subir, dans le cadre de mon travail, des interpellations présentées souvent avec des clins d’œil, quand je venais porter les « paquets de cartes perforées » en salle machine…où les techniciens masculins demandaient en quelque sorte le sourire de l’informaticienne pour que son job soit mis dans la file….en bonne place.
Le couloir d’accès pour proposer le travail portaient des affiches « aguicheuses » marquant le territoire….l’une d’elle présentait une jeune femme nue cueillant des fleurs dans l’orée d’une forêt.
En pleine lutte de dénonciation du viol ça me révoltait…
Des femmes mariées n’y voyaient pas de mal. Elle est jolie….disaient elles.
Un jour, un coup de colère me prend et je rédige un pamphlet qui décrivait l’ambiance entretenue dans ce lieu de travail, et je le diffuse dans les bureaux pendant la pause de midi (avec l’aide d’une collègue).
J’ai affronté les offuscations et ai assumé mon geste. La convocation chez le secrétaire général m’a été signifiée par la suite. Le tract syndical montre que j’ai été soutenue par les copains syndicalistes. Bravo. J’ai constaté que les choses avançaient...
Grâce à leur défense, j’ai évité le blâme, mais on m’a fait attendre une mutation sur Nantes acceptée en 1982.
Petites notes de lecture du tract :
– l’en-tête du tract mentionne "section CGT-CFDT" ce qui n’est pas une faute d’orthographe : les militant-e-s de l’époque voulant une intersyndicale forte, n’avaient pas voulu choisir entre la CGT ou la CFDT !
– M. Lévy-Bruhl était le secrétaire général, numéro 2 de l’Insee ;
– un CNI était un "centre national informatique". Celui-ci situé rue Boulitte à Paris comptait deux ordinateurs, "Paris I" et "Paris II".Le tract se termine par des interrogations toujours d’actualité sur la lutte contre le sexisme, au travail, dans le syndicat...partout !
"Aux filles du syndicat de se débrouiller ? Ou aux mecs de se remettre en cause ? Il nous semble que nous sommes dans un syndicat mixte et que, d’habitude, c’est autant aux unes qu’aux autres d’agir !".