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Article publié le 14 juin 2019.

2009 : un statisticien provoque une polémique en mettant en cause la casse sociale réalisée par la direction de France Télécom

Le procès des suicides de France Télécom est en cours.
L’arrogance de Didier Lombard, le DG de l’époque, et de ses fidèles exécutants, est intacte, comme le montrent les comptes-rendus d’audience. Le sang des salariés.e.s aurait été le prix à payer pour moderniser l’entreprise.

En 2009 un retraité de l’Insee, s’arrogeant le titre d’inspecteur général honoraire de l’Insee, tenta dans une tribune dans La Croix, de nier l’ampleur de cette catastrophe sociale et humaine (voir la PJ pour en voir la reprise pas l’AFP). Son argumentation fit la une des médias pendant quelques jours.

Nos syndicats CGT, CFDT, CGT-FO et SUD de l’Insee y répondirent par un communiqué de presse (en PJ et ci-dessous) qui, lui aussi, trouva un très large écho, et fit litière de cette tribune ignoble humainement et scientifiquement infondée :

 https://www.liberation.fr/societe/2009/10/20/des-statisticiens-s-echarpent-sur-le-taux-de-suicides-a-france-telecom_588938

 https://www.lemonde.fr/societe/article/2009/10/22/comparer-les-suicides-chez-france-telecom-et-dans-le-reste-de-la-population-n-a-pas-de-sens_1257598_3224.html

Annie Thébaud Mony, chercheuse dans le domaine de la santé et notamment des maladies professionnelles, fit également une réponse plus généraliste qui marqua les esprits :
 https://www.20minutes.fr/france/356641-20091020-annie-thebaud-mony-arretons-considerer-mort-travail-banalite

Syndicalistes ou statisticien.ne.s, notre vigilance sur le mésusage du chiffre doit être permanente.

Hier à France Télécom, mais encore aujourd’hui avec les victimes de l’amiante ou des cancérogènes dont les patrons-profiteurs, parfois secondés par des "scientifiques" sans morale, s’organisent pour minimiser les terribles dégâts !


Communiqué de presse CGT, CFDT, FO, SUD de l’Insee - 20 octobre 2009

 
La polémique ouverte par M. Padieu sur les suicides à France-Télécom est indigne !
 
M. Padieu se prévalant du titre d’ "inspecteur général honoraire de l’Insee" est tout récemment intervenu dans la presse sur les suicides de salariés de France Télécom. Dans ces déclarations, il minimise l’ampleur de ces suicides avec une argumentation statistique tout à fait contestable :
" En 2007, on avait pour la population d’âge d’actif (20 et 60 ans) un taux de suicide de 19,6 suicides pour 100 000", explique-t-il. "24 suicides en 19 mois, cela fait 15 sur une année. L’entreprise compte à peu près 100 000 employés. Conclusion : on se suicide plutôt moins à France Télécom qu’ailleurs", affirme-t-il.
 
Non ! Les études statistiques et épidémiologiques qui visent à analyser le taux de suicide au sein du personnel d’une entreprise n’ont rien à voir avec une règle de trois aussi primaire et peu fondée !
En effet, tout statisticien connaît la complexité des comparaisons statistiques d’une population donnée à celle d’une population plus générale. Chacun sait que les taux de suicide sont très dépendants de l’âge, du sexe, de l’activité professionnelle. Aucune comparaison n’a de pertinence sans que l’on étudie la situation « toutes choses égales par ailleurs ». Les travaux de statisticiens et de sociologues sur le suicide font partie du patrimoine ancien et toujours actualisé de nos professions.
 
Le raisonnement développé par M. Padieu est bien loin des valeurs de professionnalisme que mettent en œuvre les agents de la Statistique Publique. Ce raisonnement tente de minimiser les dégâts considérables que produisent parmi les salariés les méthodes de gestion managériales actuelles et qui sont constatées par
tous les professionnels de santé.
Ses affirmations hâtives s’inscrivent bien dans la logique actuelle qui nie et banalise la maladie professionnelle, présentée comme la contrepartie inévitable du travail. De ce point de vue, la volonté de fiscaliser les indemnités d’accident de travail, de minorer l’impact de l’exposition à l’amiante, de valoriser le stress au travail etc. sont des tendances lourdes qui s’accentuent dans le discours public et qui sont fortement relayées ou suscitées par une pression idéologique qui ne doit rien au hasard.
 
D’autre part, lorsqu’un salarié se suicide sur son lieu de travail ou en laissant une lettre mettant en cause le management de son entreprise, il est absurde et insultant qu’un statisticien vienne relativiser cette souffrance et dédouaner l’entreprise mise en cause. Le même "raisonnement" pourrait conduire à innocenter tous les meurtriers d’une localité si on prouve qu’il y a statistiquement moins de meurtres dans cette localité qu’en moyenne nationale.
 
Les syndicats nationaux CGT, CFDT, CGT-FO et SUD s’indignent par ailleurs de l’utilisation de ses titres professionnels par M. Padieu dans une polémique de cette nature, sur un sujet aussi grave et actuel, semblant ainsi impliquer l’ensemble de la profession à laquelle il a appartenu. Que M. Padieu, en tant que citoyen, dise ce qu’il pense devoir dire, selon des options politiques de son choix, est une chose ; qu’il le
fasse en usant d’un argument d’autorité professionnelle, ici infondé au regard des conditions de validité scientifique de ses affirmations, en est une autre qui nous oblige à réagir.
 
Les organisations signataires réaffirment les valeurs de déontologie professionnelle et d’indépendance que les statisticiens publics défendent et mettent en œuvre quotidiennement, quel que soit le pouvoir en place et quel que soit le sujet qu‘ils sont amenés à traiter.
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